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Loi climat et résilience : quelles conséquences pour les propriétaires ?

Depuis un demi-siècle, les gouvernements successifs consolident les obligations relatives à la performance énergétique des bâtiments. Comme expliqué longuement dans le premier article de cette série dédiée à l’isolation thermique, le dernier avatar de cette succession de textes législatifs a été adopté en 2021 (loi « climat et résilience »), et ses conséquences concrètes s’apprêtent à voir le jour. En effet, l’ultime mouture de cette loi change le paradigme au regard de la responsabilité des particuliers : il ne s’agit plus seulement d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation thermique, mais aussi d’en imposer l’obligation dans certains cas de figure.

Les dispositions de ce long texte, issues des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, sont amenées à s’appliquer de manière progressive dans les années à venir, jusqu’à 2050 – date fixée comme objectif pour atteindre la neutralité carbone.

Or, les mesures adoptées ont des conséquences significatives sur les propriétaires, notamment les bailleurs, concernés au premier chef par la lutte contre les passoires énergétiques. Ainsi, les loyers des logements concernés sont désormais gelés. Les obligations d’information (à destination des acheteurs et des locataires) se sont renforcées. Et de nouvelles mesures (plus contraignantes) entreront en vigueur au 1er janvier 2023.

Dans cet article, nous allons faire le point sur les mesures inscrites dans la loi « climat et résilience » et sur ses conséquences concrètes pour les propriétaires. Enfin, nous nous intéresserons aux problématiques relevées par le monde de l’immobilier, qui montrent les limites de cette loi.

Le gel des loyers appliqué aux logements énergivores

Cette mesure est d’autant plus importante qu’elle est en vigueur depuis le 24 août 2022 (la loi « énergie-climat » de 2019 prévoyait, elle, d’instaurer cette interdiction en 2021).

Que dit cette disposition ? Concrètement, elle impose l’interdiction d’augmenter le loyer des logements classés F ou G, dont la consommation énergétique est égale ou supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an.

Dans les faits, cette disposition est découpée en plusieurs mesures distinctes. Les voici résumées :

La seule solution prévue par la loi climat et immobilier consiste à réaliser des travaux de rénovation énergétique afin de sortir le logement de sa catégorie et de passer, au minimum, à la classe E. Eu égard à la « contribution au partage de charges », et à condition que les travaux permettent de sortir du statut de logement énergivore, il est possible de demander au locataire une participation financière.

L’interdiction de location pour les passoires thermiques : la mesure phare de la loi climat pour l’immobilier

Les deux lois « climat » témoignent d’une volonté du gouvernement de combattre les « passoires thermiques », une expression qui désigne les logements les plus énergivores, ceux qui appartiennent aux classes F et G. La loi « climat et résilience » a précisé les dispositions contenues dans la loi « énergie-climat » de 2019 : il s’agit de faire de la consommation énergétique un critère de décence, et d’interdire purement et simplement la relocation des habitations énergivores.

Requalification des logements indécents

La loi climat sur l’immobilier prévoit de réviser les critères de décence applicables à un logement, afin d’exclure les passoires énergétiques de la catégorie des habitations décentes. Concrètement, à compter de 2025, un nouveau critère de décence entrera en vigueur sous la forme d’un seuil minimal de performance énergétique.

Or, comme vous le savez pertinemment, la décence du logement est un prérequis à toute mise en location. La conséquence de ce critère, c’est donc l’interdiction progressive de location des biens dont la consommation d’énergie est trop élevée.

Interdiction de location pour les logements trop énergivores

Puisqu’il s’agit de la mesure la plus controversée de la loi climat sur l’immobilier, il est important de bien la comprendre. Elle a trait à l’interdiction pure et simple de mettre en location un bien immobilier dont la consommation énergétique est supérieure au seuil admis, avec rabaissement progressif de ce seuil.

Le texte de loi a établi un calendrier en plusieurs paliers :

Dès le 1er janvier 2023, les logements dont la consommation est supérieure à 450 kWh/m2/an ne pourront plus être proposés à la location lors d’un changement d’occupant, dans la mesure où ils seront considérés comme indécents. Cela concerne une partie du parc immobilier classé G, la plus énergivore. L’autre partie du parc (plus de 430 kWh/m2/an) sera interdite à la location à partir du 1er janvier 2025.

Précisons que le niveau de consommation tient compte de l’énergie finale : celle qui est effectivement consommée par l’occupant d’un logement, telle que comptabilisée lors du relevé des compteurs et servant de base à la facturation. Elle diffère de l’énergie primaire qui correspond à l’énergie telle qu’on la trouve dans la nature, dont les coûts englobent la production, la transformation et l’acheminement.

Plus tard, au 1er janvier 2028, l’interdiction s’étendra aux logements classés F, dont la consommation est supérieure à 330 kWh/m2/an. Puis, au 1er janvier 2034, ce sera le tour des logements classés E (plus de 231 kWh/m2/an).

Ce qu’il faut savoir à propos de l’interdiction de location

Les dispositions de la loi climat sur l’immobilier relatives aux passoires thermiques ont plusieurs implications. Voici lesquelles :

loi climat immobilier

L’obligation d’information renforcée par la loi « climat et résilience »

L’obligation d’information, c’est ce principe qui impose, aux propriétaires vendeurs et bailleurs, de fournir aux acheteurs et aux locataires un certain nombre de documents relatifs au bien immobilier concerné par la transaction, afin que celle-ci se fasse en connaissance de cause. C’est aussi un volet important des deux lois « climat », dans la mesure où le niveau de consommation énergétique est devenu un critère de choix lors d’un achat ou d’une location. Voici les éléments à avoir en tête :

Le DPE nouvelle version

En parallèle, le diagnostic de performance énergétique a fait l’objet d’une refonte en juillet, puis en novembre 2021. Cette refonte a rendu le DPE plus complet et plus lisible pour les particuliers (un exemple est donné sur le site du ministère de l’Écologie, à cette adresse). Les anciens DPE restent valides jusque fin 2022 ou fin 2024, en fonction de leur date de réalisation.

Ce DPE nouvelle version apporte des informations plus détaillées et plus claires aux acheteurs et aux locataires. Il participe de manière plus significative au choix d’un logement par les personnes intéressées – un point que les vendeurs et les bailleurs doivent prendre en compte dans le cadre de leur projet.

L’audit énergétique

Enfin, à compter du 1er avril 2023, il sera obligatoire de réaliser un audit énergique pour les passoires thermiques (classes F et G) et de l’annexer au DPE dans le cadre d’une vente. Ce document contient quatre choses :

L’audit énergique s’appliquera ensuite aux logements classés E au 1er janvier 2025, puis aux habitations classées D à compter du 1er janvier 2034.

Les limites de la loi climat sur l’immobilier

Suite à l’adoption de la loi « climat et résilience », des voix se sont élevées, au sein de la sphère immobilière, pour souligner les limites des mesures prévues. On peut en voir un exemple sur le Journal de l’Agence. Quelles sont les critiques faites à l’encontre du volet de la loi climat portant sur l’immobilier ?

Telles sont les problématiques soulevées par la loi « climat et résilience » (nous vous laissons juges de la pertinence des arguments avancés).

En tout état de cause, la loi est passée et son application progressive est en route. Il est donc important, désormais, d’en prendre acte et de préparer vos clients – propriétaires bailleurs surtout, mais aussi vendeurs – à ce qui les attend. Car, dans cette affaire, les conseillers immobiliers ont un rôle (majeur) à jouer, notamment à travers le conseil et l’accompagnement. Ce sera l’objet de notre prochaine publication.