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La pige immobilière : un levier d’acquisition de mandats

En immobilier, le mandat est roi. Pour exercer son activité, un négociateur a besoin de biens immobiliers à proposer aux acheteurs potentiels. C’est le socle sur lequel il édifie son business.

Or, la quête de maisons et d’appartements à vendre peut s’avérer fastidieuse – et peu plaisante. Inévitable, la prospection immobilière n’est pas très prisée des professionnels, qui ont généralement l’impression d’y consacrer beaucoup trop de temps par rapport aux bénéfices qui en résultent. C’est pourquoi ils sont nombreux à privilégier la pige immobilière, un levier d’acquisition de mandats aussi pratique que simple à mettre en œuvre.

C’est quoi, précisément, la pige immobilière ? Quels sont ses avantages et ses inconvénients ? Aujourd’hui, nous passons au crible ce levier bien connu des professionnels.

Pige immobilière : définition

La « pige immobilière » désigne une méthodologie de prospection, au sens strict du terme – aller chercher des prospects pour les transformer en clients. Mais plutôt que d’aller au-devant des vendeurs avant qu’ils mettent au point leur projet, la pige consiste à prendre contact avec eux une fois que ledit projet est bien avancé. En l’occurrence, une fois que le bien immobilier est sur le marché.

En d’autres termes, une définition de la pige immobilière serait la suivante : la collecte quotidienne des annonces de vente postées par les particuliers sur les différents canaux, dans le but de contacter ces derniers et de les convaincre de signer un mandat.

Prenons un exemple simple. Jean-Louis T. vient de mettre en ligne l’annonce pour la vente de sa maison. Il a décidé de se passer d’un agent immobilier. Quelques heures après la publication de ladite annonce, il reçoit un appel téléphonique : Maxime B., négociateur pour le compte de l’agence E***, le contacte pour en apprendre plus sur son projet et lui proposer une alternative professionnelle.

Le but de la pige immobilière est donc d’obtenir un rendez-vous (possiblement pour réaliser une estimation) avec un propriétaire dont l’annonce est déjà en ligne. Pour cela, le négociateur s’attache à comprendre la nature du projet de son interlocuteur et à en évaluer la progression. En fonction de celle-ci, on parle de « pige chaude » (annonce publiée récemment), de « pige froide » (annonce publiée depuis un long moment) ou de « pige courante » (annonce pas trop récente, mais pas trop ancienne non plus). Forcément, l’argumentaire à déployer dépend du type de pige dont il s’agit.

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Pige immobilière : les atouts d’un levier d’acquisition pratique

La majorité des négociateurs pratique la pige immobilière. Pour quelles raisons ?

La pige immobilière peut être réalisée par le négociateur « à la main », c’est-à-dire en recensant lui-même les annonces publiées et en collectant les données qui lui permettront de contacter les propriétaires et de leur soumettre des arguments pertinents. Mais, dans la plupart des cas, les professionnels s’appuient sur des outils dédiés qui prennent en charge la collecte des données à leur place. Sur la base de critères définis en amont (zone géographique, typologie des biens, spécialisation… bref, tout ce qui constitue le positionnement de l’agence), ces outils fournissent aux négociateurs des listes toutes faites d’annonces pertinentes. Il ne leur reste plus qu’à prendre leur téléphone !

Ces outils accentuent les avantages de la pige immobilière, puisqu’ils font gagner encore plus de temps en vertu de l’automatisation du processus.

Pige immobilière : les faiblesses d’un levier peu qualitatif

Bien entendu, la pige immobilière n’a pas que des atouts dans sa manche. Cette méthode de prospection a aussi ses limites.

Ajoutons un dernier point, qui n’est pas vraiment une faiblesse, mais plutôt un constat général : la pige immobilière a quelque chose du palliatif. Nous affirmions plus haut qu’elle permet au négociateur de se focaliser sur son cœur de métier – la transaction en tant que telle. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Car le vrai métier du négociateur, c’est la prise en charge d’un projet de vente de A à Z, le relationnel qui en découle, la maîtrise des composantes de ce projet, et l’accompagnement complet allant jusqu’à la fidélisation du vendeur une fois son bien immobilier cédé.

Or, la pige ne permet pas d’être présent à toutes les étapes du projet de vente, mais seulement dans sa dernière phase – la cession en elle-même. Ce n’est certainement pas la meilleure façon de créer un socle de confiance…

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La pige immobilière et la protection des données personnelles

Impossible de parler de pige immobilière sans évoquer une problématique dans l’air du temps : la question de l’utilisation des données personnelles des particuliers.

Vous n’êtes pas sans savoir que le règlement européen sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis 2018, modifie complètement la façon dont les entreprises sont amenées à collecter, à traiter et à exploiter les informations des utilisateurs.

L’exercice de la pige, qui consiste à tirer parti des données publiées par les particuliers sur le web sans leur accord préalable, tombe sous le coup des obligations imposées par le RGPD au regard de la collecte et de l’utilisation de ces données.

L’obligation de consentement

Il faut comprendre que la pige immobilière, au même titre que la prospection, est considérée comme du démarchage commercial puisqu’il n’existe pas de relation contractuelle préalable à la prise de contact.

Sur ce point, la CNIL nous dit que les données publiées par les particuliers, bien que publiquement accessibles, restent des données personnelles et qu’elles « ne peuvent pas être réexploitées à l’insu de la personne concernée ». Dès lors que ces particuliers ont diffusé leurs données librement auprès d’un responsable de traitement (en l’occurrence : un portail d’annonces) et qu’ils ne s’attendent raisonnablement pas à être démarchés par un tiers (un négociateur), « la réutilisation des données par [ce tiers] à des fins commerciales n’est possible qu’avec leur consentement ».

Autrement dit : dans le cadre de sa pige, le négociateur est dans l’obligation de recueillir le consentement du vendeur qu’il contacte et dont il a trouvé les coordonnées sur une plateforme tierce. Il doit donc, « au plus tard au moment de la première communication » avec la personne concernée, demander à celle-ci d’exprimer son consentement (qu’il faudra ensuite valider par voie d’email) et lui fournir les informations relatives à l’utilisation qui sera faite de ses données personnelles.

De plus, la CNIL rappelle qu’il est strictement interdit de contacter par téléphone un particulier inscrit sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique (type Bloctel), comme le stipule le Code de la consommation (article L. 223-1).

Le respect des obligations par le prestataire de service

Lorsqu’une agence emploie un logiciel de pige immobilière et qu’elle ne collecte pas elle-même les données personnelles des particuliers, les obligations sont reportées sur la société en question, qualifiée de « responsable du traitement ».

Mais attention ! La CNIL impose au client de s’assurer que le responsable du traitement respecte ses obligations au regard du consentement et de l’information à fournir aux utilisateurs concernant la finalité de l’exploitation des données.

En d’autres termes, une plainte déposée à la CNIL par un vendeur qui n’aurait pas consenti à l’utilisation de ses données personnelles pourrait bien vous retomber dessus, y compris si vous n’êtes pas directement responsable du non respect des exigences imposées par le RGPD… Vous devez veiller à ce que votre prestataire de service marche dans les clous ! (Toutes les informations relatives à ces questions sont accessibles sur le site de la CNIL.)

Ces restrictions tendent à compliquer la pratique de la pige immobilière, mais aussi, dans le même temps, à la rationaliser – notamment en obligeant les parties prenantes à se focaliser sur les données personnelles qui font sens.

Elles incitent également à remettre la pige à sa juste place : comme complément à la prospection physique et aux actions de marketing immobilier, qu’elle ne remplace certainement pas !